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Ce que j’ai découvert sur la peur en croisant des yeux dans la forêt

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Cette nuit-là, je parcourais un nouveau sentier pour préparer mon prochain trail. Lampe frontale allumée, je savourais le calme de la forêt quand soudain, dans le faisceau de ma lumière, deux points lumineux sont apparus entre les arbres. Mon cœur s’est arrêté net. Ces yeux, reflétant ma lampe, m’observaient fixement. Pendant quelques secondes qui m’ont paru une éternité, nous nous sommes dévisagés, l’animal et moi, figés dans ce moment suspendu.

La rencontre primitive qui réveille nos instincts

Je pratique les trails depuis plus de vingt ans, et pourtant, cette sensation reste toujours aussi intense. Cette peur ancestrale qui vous saisit les entrailles quand vous réalisez que vous n’êtes pas seul dans l’obscurité. C’est enchantant comme notre corps réagit instantanément : adrénaline, souffle coupé, muscles tendus, prêts à fuir ou à combattre.

Ce soir-là, j’ai compris que ma peur n’était pas tant liée à l’animal lui-même (probablement un chevreuil) qu’à cette réminiscence primitive. Nos ancêtres devaient ressentir exactement la même chose face aux prédateurs. Il faut croire que des milliers d’années de confort moderne n’ont pas suffi à éteindre ces réflexes.

Un ami biologiste m’a expliqué que cette réaction est codée dans notre cerveau reptilien. Notre amygdale cérébrale s’active instantanément face à ce danger potentiel, bien avant que notre néocortex ait le temps d’analyser rationnellement la situation. J’aime à penser que ces sorties en forêt nous reconnectent à notre nature profonde.

Vous savez ce qui est drôle? Je prépare méticuleusement mes sorties: itinéraire, équipement, ravitaillement… mais je n’ai jamais prévu de stratégie pour une rencontre avec un animal sauvage! Comme quoi, on peut être un traileur expérimenté et rester un parfait novice face à Dame Nature!

Apprivoiser sa peur plutôt que la combattre

Au fil des années, j’ai appris à ne plus lutter contre cette peur mais à l’utiliser. La peur est une information précieuse, pas une faiblesse. Elle nous dit: « Attention, situation inhabituelle, reste vigilant ». En trail comme dans la vie, les émotions sont des guides, pas des obstacles.

Voici comment j’ai appris à transformer cette peur en alliée lors de mes sorties nocturnes:

  1. Reconnaître la sensation sans jugement
  2. Respirer profondément pour calmer le système nerveux
  3. Analyser rationnellement la situation
  4. Agir de manière adaptée et non impulsive

Cette approche m’a été utile lors de mon dernier ultra-trail dans le Mercantour, quand j’ai croisé des traces fraîches de loup au petit matin. Au lieu de paniquer ou d’abandonner, j’ai simplement adapté mon rythme et ma vigilance. Cela m’a permis de terminer l’épreuve avec une expérience enrichissante en prime!

Le tableau ci-dessous résume les principales rencontres possibles en forêt et les comportements recommandés:

Animal Comportement recommandé Niveau de danger
Sanglier Rester calme, s’écarter lentement Modéré (plus élevé si femelle avec petits)
Cerf/Chevreuil Observer sans s’approcher Faible
Renard Garder ses distances Très faible

L’expérience qui transforme le coureur

Ces rencontres fortuites ont changé ma façon de courir en nature. La forêt n’est plus seulement un terrain d’entraînement mais un espace vivant que je partage avec d’autres êtres. J’ai développé une forme d’humilité face à cette réalité.

Désormais, j’aborde mes sorties différemment. Je fais plus attention aux bruits que je produis, je suis plus attentif aux signes de présence animale. Paradoxalement, cette conscience accrue du danger m’a rendu plus serein. Connaître et accepter sa vulnérabilité est finalement libérateur.

À 58 ans, après avoir parcouru des milliers de kilomètres sur les sentiers, je continue d’apprendre. La nature reste ma plus grande enseignante. Chaque frayeur, chaque surprise est une leçon qui me rappelle que nous ne sommes jamais vraiment « experts » face à la wilderness.

Et vous, quelle a été votre rencontre la plus marquante sur les sentiers? La prochaine fois que vous croiserez des yeux dans la forêt, souvenez-vous que cette peur est le témoignage le plus authentique de notre connexion au monde sauvage.

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